Fugue Fragment (Paris 2012)
Au commencement était la voix. D’emblée déportée au-delà d’elle-même. Contrairement à la vue qui ne saurait se passer d’un miroir, l’ouïe connaît l’auto-affection. Je peux m’entendre parler, chanter, soupirer. Peut-être ne me perçois-je pas comme d’autres m’entendent, mais qui éprouve cette vibration de façon juste ?… Comme souvent chez Cendrillon Bélanger, le son précède la mise en images. Une mélopée en manière de fugue qui met en exergue ce déport qui s’opère, cette polyphonie qui est immédiatement celle de la voix qui fugue à ses frontières, ni tout à fait elle-même ni toute à fait une autre. Le carillon l’aiguillonne par à-coups, le piano la soutient, une mesure de violon l’infléchit soudain d’un sortilège en mode mineur, et la voix s’enroule aux confins d’elle-même, dans un rêve dont elle nous confie lancinamment qu’elle ne comprend pas le motif. I have a dream and I don’t know why. Parallèlement à la construction contrapuntique, Cendrillon Bélanger capture en caméra fixe le songe qui la poursuit. Détails de corps, draps et fruits se fuient et se cherchent comme autant de notes qui se répondent sans se conjoindre. Car loin de se rassurer dans la congruence, l’harmonie se nourrit de son contrepied. “Corps et draps”, donc, “à fruits perdus”, comme autant de transpositions d’un thème qui fugue loin d’une origine qui s’éloignerait davantage qu’on voudrait la circonscrire. I have this dream and I don’t know why.
HDV Pal
1 min 09 s., couleur, son
Réalisation, montage et son : Cendrillon Bélanger